Et celle du cinéma par l’un de ses chefs-d’oeuvre.
On connait (ou pas ?) l’histoire de ce film : budget colossal (44 millions en 79 !), il n’en rapporte que 3.5, participant ainsi en grande partie à la fin de United Artist(1).
Cimino eu carte blanche et se laissa déborder, ne tournant qu’une minute trente de film par jour, dans des conditions difficiles. Au bout de 12 jours de tournage, il en accuse 10 de retard et perd 1 million par semaine !…
Voici pour le mythe.
Cimino dans son scénario s’inspire d’un fait réel, où une association d’éleveurs planifie la tuerie d’une centaine d’immigrants, dans le comté de Johnson, Wyoming.
Le film débute dans l »allégresse d’une remise de diplôme, non sans un désenchantement manifeste, personnifié par le personnage de Billy interprété par John Hurt, un désenchantement en fil rouge…
C’est une scène de foule qui ouvre donc le film; Cimino y excelle ! Le film en est rempli.
Déjà la scène du mariage à la Russe au début de Voyage au bout de l’enfer…
Cimino affiche une sacrée maîtrise dans la mise en scène de foules et des foules en action; du cinéma quoi. Qui plus est servie par un sens du cadre au cordeau.
Les plans extérieurs montrant l’Ouest sont d’une parfaite beauté; cadre et éclairage -photo de Vilmos Zsigmond : John McCabe (Altman), Délivrance (Boorman), L’Epouvantail (Schatzberg), The Deer Hunter…- sont à l’unisson pour emporter au cœur du film. Déjà dans le Voyage… les plans enneigés et autres scènes de chasse étaient captivants.
Cimino signe un Western d’un autre genre par lequel il nous rappelle que l’Ouest était avant tout sauvage « wild west ». Que les Etats-unis se sont construits sur le sang des leurs, comme sur celui des Indiens.
La Porte du Paradis (2) est donc cet endroit -immense construction de bois- tenu par John (Jeff Bridges) qui sert de patinoire (à roulettes), salle de bal et salle de réunion de la ville naissante, celle de Casper Wyoming. Naissance que l’on sent tout de suite, dès les premiers plans de l’entrée en gare du train par lequel arrive le shérif James Averill (Kris Kristofferson) : tout y fume, c’est la fin de siècle du début de l’autre, l’industrie gagne.
Averill retrouve Ella, tenancière du Bordel, (Isabelle Huppert que Cimino avait vu dans La Dentellière qu’il imposa contre l’avis de l’Exécutif du Studio !). L’interprétation n’est pas le principal du film puisque qu’elle fait partie du tout. Le cinéma est un ensemble et celui-ci passe d’abord par l’image !
Et les images nous racontent une histoire, Cimino y arrive ici à merveille (déjà Voyage au bout de l’enfer).
Cimino est un cinéaste de la violence. Le Canardeur montrait cela Voyage au bout de l’enfer (le titre original est tellement plus beau The Deer Hunter) montre plusieurs violences : celle de la vie ouvrière en Pennsylvanie, celle de la guerre au Viêt Nam…
Dans Heaven’s Gate la violence de la conquête de l’Ouest, la violence des Riches et autres Puissants. Il la montre et la dénonce sans s’y complaire, ce dont je suis moins sûr chez un dénommé Quentin T.
L’échec cuisant du film en salles condamne presque Cimino (le grand Kurosawa avait lui fait une une tentative de suicide après la mauvaise réception de Dode’s kaden)
Il réalisera bien L’année du Dragon en 85 (grosse prod un peu à l’esbroufe) et de se perdre ensuite jusqu’à l’insignifiance (Le Sicilien/La maison des otages (piteux remake) et The Sunchaser).
Reste que The Deer Hunter et Heaven’s Gate sont deux œuvres monumentales du 7e art et que nous pouvons remercier Michael Cimino.
(1): Créé en 1919 par DW Griffith, C.Chaplin, M.Pickford et D.Fairbanks : des artistes qui voulaient être indépendants.
(2): A noter que l’on peut voir depuis 2012 la version réalisateur de 3h40′ (dont je parle) alors qu’une version de 2h29′ était initialement sortie en salles.
Synopsis Wikipedia du film La Porte du paradis de Michael Cimino :
Le fil conducteur du récit est, de 1870 à 1903, la vie de James Averill (réarrangée selon les vues de Cimino) et notamment sa participation à la « guerre » du comté de Johnson qui, en 1890, dressa de pauvres immigrants d’Europe de l’Est récemment arrivés au Wyoming contre les riches propriétaires de bétail qui, depuis des lustres, élevaient d’immenses troupeaux sur les terres publiques de cet État de l’Ouest américain (terres qu’ils considéraient comme réservées aux « vrais » citoyens du lieu, c’est-à-dire eux, les « blancs américains » d’origine germanique).
Le film est découpé en trois séquences temporelles, de durées très inégales :
Le prologue montre, en 1870, l’ultime journée à Harvard de la « promotion 70 » ; centré sur deux diplômés de celle-ci (James Averill et William Irvine) clairement issus de la très bonne bourgeoisie, il alterne discours, grand bal romantique de type « valses viennoises » et joutes entre étudiants.
L’histoire proprement-dite de « la Porte du Paradis » se déroule vingt ans plus tard, en 1890, au Wyoming, plus particulièrement dans le comté de Johnson. Un conflit oppose les riches éleveurs de bétail (dont William Irvine), ayant jusque-là toujours eu la mainmise sur les « verts pâturages » du Wyoming, à une vague d’immigrés pauvres venus d’Europe de l’Est à la suite de l’Homestead Act, qui ont acheté des lopins de terre (sans que cela soit encore régularisé par un titre de propriété en bonne et due forme) autour de Sweetwater, dans le comté de Johnson (dont James Averill est le shérif) et qui ont entrepris de les cultiver. Ce nouvel état de fait réduit d’autant les pâturages jusqu’alors dévolus aux troupeaux des éleveurs qui, furieux, accusent les nouveaux arrivants d’être, pour la plupart, des voleurs de bétail et des anarchistes ; ils les ont couchés sur une liste noire et ont recruté une milice de mercenaires-tueurs pour les éliminer. En 3-4 jours, le conflit riches éleveurs / pauvres cultivateurs (« rangers / settlers ») embrase tout le comté, prend des allures de guerre civile et culmine en une sanglante bataille, dont bien peu réchappent, hormis James Averill… qui, après démission de son poste de shérif, s’était rangé du côté des pauvres fermiers nouvellement installés. La séquence dure trois heures. Elle inclut, sur ce fond de guerre civile (et étroitement tressées avec lui et la vie quotidienne reconstituée de la communauté de Sweetwater), les péripéties romanesques d’un triangle amoureux composé de James Averill, Ella Watson, la jolie tenancière du bordel local, et Nate Champion, un mercenaire (finalement repenti) du syndicat des éleveurs.
L’épilogue, de 4 à 5 minutes, nous transporte en 1903 : James Averill, élégant mais vieilli, est sur son yacht, au large de Newport (Rhode Island). Il a retrouvé (et peut-être épousé) l’ex-jeune fille du « bal d’adieu » à Harvard, mais semble lourd de souvenirs, probablement ceux ayant trait à Ella (dont on entend le leitmotiv musical).