Winter Sleep
Réalisation Nuri Bilge Ceylan 2014
La tourmente des esprits
Un film bouleversant sur notre lot de souffrance morale. Le chagrin, l’amertume, la solitude et la colère nous sont contés par un trio d’âmes tourmentés.
Au seuil de l’hiver quand l’hôtel est presque déserté, trois personnages vont se livrer une guerre sans merci, tout est remis en question et la cruauté des échanges est surréaliste.
Aydin est le fil conducteur, c’est son destin que nous raconte Nuri Bilge Ceylan comme un bilan de sa vie à travers deux personnages incontournables : sa femme Nihal et sa sœur Necla.
On va le comprendre, l’aimer pour enfin le détester et l’aimer à nouveau.
Aydin est parfois condescendant mais aussi désarmé et brièvement généreux, c’est une belle démonstration du mécanisme de son égo.
Sa sœur commence les hostilités et on assiste à une première mise au point. Il gagne cette manche et l’on est presque désolé pour lui. Pauvre homme si cultivé et si bon. Mais sa femme ne va pas tarder à le mettre à terre sans s’épargner car elle ressort essoufflée du combat.
Il y a aussi l’histoire d’Hidayet, un homme perdu, à bout de force, dévoré par ses démons mais qui, face à Nihal, va faire preuve d’une dignité presque acharnée, une scène puissante du film.
Le bien et le mal s’affrontent, la difficulté d’accepter ses échecs, un bilan cruel de notre petite vie. Un grand film de réflexion où l’on se perd parfois dans les joutes verbales.
Nuri Bilge Ceylan est un magicien déroutant, il explore nos états d’âme avec intelligence et sans détour.
Haluk Bilginer sait nous jouer la comédie, il cabotine puis s’effondre avec talent.
Demet Akbağ nous fait fait une belle démonstration de clairvoyance et disparait.
Ayberk Pekcan joue Hidayet avec brutalité et grandeur.
Nihal est interprétée par Melisa Sözen avec douceur et résignation, un casting hors pair pour un scénario haut gamme. Le cinéma nous fait son théâtre.
Synopsis Winter Sleep : Aydin, un ancien comédien de théâtre charismatique désormais retraité, s’est retiré dans son village d’Anatolie centrale dans sa demeure transformée en petit hôtel. Alors que les touristes ont quitté les lieux, l’homme sexagénaire se retrouve seul avec sa jeune épouse Nihal et sa soeur Necla, encore affectée par son récent et douloureux divorce. C’est dans ce lieu quasi-désertique et par les bouches des deux femmes qu’Aydin va peu à peu découvrir quel homme cynique, suffisant et humiliant il est aux yeux de ses proches. Alors que l’hiver s’installe, l’hôtel devient le théâtre de leurs profonds déchirements…